L'intervallo de Leonardo Di Costanzo
(Attention : Spoilers)
Une heure trente de film pour retracer une journée entière d'attente ? Le pari est risqué ! Et pourtant, de cette attente et de l'oeil méticuleux et observateur de Leonardo Di Constanzo, jusqu'ici documentariste, nait une expérience sensible et fragile comme un fil qui aurait pu se briser à tout instant. Avec finesse et passion, il observe ces deux adolescents comme s'il s'agissait de deux animaux tours à tours apeurés puis attirés, en parade, et grâce à une mise en scène discrète et harmonieuse la mécanique bien huilée de cette fiction se déroule avec naturel et grâce. Devant nos yeux désireux et impatients, débute alors une éclosion – quelque peu poussive à ses débuts, jusqu'à un équilibre délicat qui nous happe dans se qui s’annonçait comme un huis clos dans un bâtiment lugubre et qui révèle finalement un espace infini, lyrique et vivant. Et le chemin parcouru par les deux protagonistes remet peu à la choses en ordres, Salvatore n'est plus geôlier, Veronica n'est plus prisonnière de la mafia, ils sont à nouveaux deux adolescents en proie à la rêverie et à l'abri d'un monde brutal qui n'est pas le leur. Ce jusqu'à l'arrivée de Bernardino, personnage jusqu'ici inconnu mais dont la menace planait, qui nous révèle le talent de Leonardo Di Constanzo en terme de choix et de gestion d'acteurs. Car si les personnages de Veronica et Salvatore nous avait déjà touché par leur sincérité et leur candeur, la surprise ici est excellente. Au lieu de voir surgir l'archétype de l'italien - comme le sbire de Bernardino - arrive un petit homme à lunettes plutôt risible. Jusqu'à cette scène, dans une pénombre entrecoupée de filets de lumières dorés, chargée d'une tension et d'un malaise indescriptible, qui révèle la puissance et le charisme effrayant de ce personnage. Et c'est avec effroi que le spectateur voit les adolescents se remettre docilement au mains de la mafia et se retrouve face à la violence de cet environnement qu'il mesure mieux que devant n'importe quelle autre fiction cadrant avec acharnement la violence immédiate. Détourner la caméra de son sujet, attendre, observer, oui c'est culotté mais c'est surtout brillant.